Entreprendre et vivre en décroissance sont deux expressions qui semblent incompatibles.
Il est d’ailleurs couramment admis qu’une entreprise doit constamment croître si elle veut survivre ou être financée. Cela ne semble pas négociable : une entreprise doit augmenter son chiffre d’affaires à chaque trimestre et placer la croissance comme principal objectif.
Pourtant, de plus en plus d’entrepreneurs proposent une voie alternative pour vivre en décroissance.
Sans aucun doute : à sa création, une entreprise doit grandir pour atteindre une certaine stabilité. Mais, les entrepreneurs décroissants émettent l’idée qu’une entreprise n’a pas besoin de croître indéfiniment. L’idée derrière ça est simple : la taille optimale d’une entreprise est rarement sa taille maximale.
Ainsi, les entrepreneurs décroissants posent un défi audacieux à la notion traditionnelle de croissance d’entreprise. Ils suggèrent qu’il est possible de concilier décroissance et réussite entrepreneuriale. Voyons comment !
Que faire de cette obsession de la croissance quand on est entrepreneur ?
Est-ce que tu t’es déjà demandé : à quoi bon courir après une croissance effrénée si elle est préjudiciable pour les équipes qui travaillent dans l’entreprise, mais aussi pour le vivant en général ?
Le choix de la simplicité pour vivre en décroissance : l’exemple des travailleurs indépendants
Les travailleurs indépendants offrent un bel exemple de la façon dont on peut repenser le modèle traditionnel de croissance. En tant que travailleur indépendant (freelance, slasheur…), tu as la liberté de te poser des questions fondamentales telles que : « De quel chiffre d’affaires ai-je besoin pour vivre décemment et être heureux ? » ou « Combien d’heures par semaine est-ce que je souhaite travailler ? ».
C’est personnellement ce que je vis depuis 2017, date à laquelle j’ai commencé à travailler à mon compte. Cela m’a permis d’expérimenter des approches alternatives telles que :
- adopter la semaine de travail de quatre jours,
- ou intégrer la démarche low-tech à mon métier.
En tant que créatrice de sites Internet, j’ai appris petit à petit à concevoir des sites web moins énergivores et à réduire leur empreinte carbone. L’écoconception des sites web est un sujet complexe et fascinant. Si tu es intéressé par ce sujet et que tu souhaites en savoir plus, n’hésitez pas à me le faire savoir en commentaire. Je serai ravie d’approfondir certains points dans un futur article.
Les petites et moyennes entreprises peuvent-elles intégrer la décroissance dans leur fonctionnement ?
Plusieurs facteurs peuvent borner la croissance d’une petite ou moyenne entreprise. Voici quelques exemples :
- Une PME qui répond à une problématique locale – comme la réintroduction de la consigne dans une région spécifique – ne cherchera pas à s’étendre au-delà des limites de ce territoire.
- Une entreprise peut choisir de limiter sa croissance en fonction du nombre d’employés. L’idée est de maintenir un fonctionnement à taille humaine. Une question pourrait alors se poser : avant de créer un département des ressources humaines, ne sommes-nous pas simplement en train de devenir trop nombreux ?
- Le mode de production peut également constituer une limite à la croissance. Pour maintenir un certain niveau de qualité, il peut être nécessaire de rester en dessous d’un certain volume de production.
Comme l’a si bien dit Julia Faure, la fondatrice de Loom, lors de son TedX : “Il y en a des millions en fait des petites et moyennes entreprises qui vont très bien sans chercher à conquérir le monde.”
La mission de l’entrepreneur décroissant : incarner une nouvelle définition de la réussite entrepreneuriale
Il est essentiel de noter que la décision de cesser de croître une fois que l’entreprise a atteint sa taille optimale est particulièrement appropriée pour deux types d’organisations :
1. Les entreprises sans actionnaires qui n’ont pas à rémunérer du capital et évitent ainsi la pression de financeurs qui exigent une rentabilité à court terme.
2. les entreprises qui ne cherchent pas à “conquérir le monde” mais qui cherchent plutôt à remplir la mission qu’elles se sont donnée.
En prime, créer son entreprise répond souvent à un besoin personnel, notamment celui de la perte de sens au travail. De plus en plus de personnes veulent créer leur propre emploi pour pouvoir vivre en décroissance et quitter un travail écocidaire ou pas très utile. Être capable de créer son propre revenu est bien une des possibilités pour se libérer du chantage à l’emploi et des sacrifices que ça nous pousse à faire.
Quelle est la mission de l’entrepreneur qui souhaite vivre en décroissance ?
De mon point de vue, une des missions de l’entrepreneur décroissant est de contribuer à l’émergence d’un nouveau récit autour de la décroissance, qui soit à la fois désirable et compatible avec les limites physiques de notre planète. L’entrepreneur qui vit en décroissance incarne ainsi des alternatives dont nous avons tant besoin. Cela pourrait signifier :
- à la fois ne plus être le symbole de la hussle culture. En finir avec le fantasme de “l’entrepreneur qui bosse le jour de Noël” et incarner plutôt celui de entrepreneur qui expérimente le futur du travail et la réduction du temps de travail.
- mais aussi en finir avec le mythe du “self made man” au-dessus des foules et rendre visible toute la coopération nécessaire à la création de richesse.
- ou encore proposer un symbole d’accomplissement qui ne se traduise pas par la réussite matérielle. C’est-à-dire repenser la façon dont on mesure le succès. Plutôt que de se concentrer uniquement sur la croissance économique, les entreprises décroissantes doivent adopter des indicateurs alternatifs. A commencer par le “oh-combien-cliché-mais-tout-aussi-pertinent” : la capacité de ton travail à être régénérateur pour toi et pour le vivant.
Au premier abord, l’entrepreneuriat peut être perçu comme la consécration du modèle capitaliste et libéral. Mais on peut aussi envisager l’entrepreneuriat comme un moyen de créer une nouvelle norme sociale. C’est l’opportunité de modeler ton activité professionnelle selon tes propres valeurs, de montrer que la croissance infinie n’est pas une fin en soi et d’inspirer tes clients et tes pairs à repenser leur manière de travailler.